Il n'aura pas fait grand-chose sur le terrain, mais il a visiblement eu le temps d'observer. Ian Mahinmi nous parle un peu du grand Tim:
Document : Ian Mahinmi raconte Tim Duncan
Par Mondial Basket, 19 octobre 2010 - 12:57
L’intérieur français a quitté San Antonio cet été pour filer chez le voisin Dallas. Il aura donc vécu une seule saison pleine aux côtés de Tim Duncan. Blessé ou en transit chez les Austin Toros, en NBDL, Ian n’a pas pu totalement profiter des conseils de ce joueur d’exception.
Avant son départ chez les Mavs, il nous racontait son expérience auprès du quadruple champion NBA.
MONDIAL BASKET : Ian, raconte-nous ta première rencontre avec Tim Duncan…
Ian MAHINMI : C’était à New York au moment des fêtes de fin d’année en 2005. J’avais été drafté par San Antonio en juin mais j’avais décidé de rester en France et de jouer à Pau-Orthez. Au moment du break de fin d’année, pour le All-Star Game français à Bercy, les Spurs m’avaient invité. J’étais aller les rejoindre pour mieux connaître l’équipe. Je suis donc parti à New York et c’est là que j’ai vu pour la première fois Tim Duncan. Un bonjour amical, rien de plus… L’équipe retournait à San Antonio après son match contre les Knicks. Je suis allé avec eux mais je n’ai plus beaucoup parlé à Tim. Pourtant, on est resté trois-quatre jours ensemble. J’étais autant impressionné par le joueur que par l’homme, en fait.
MB : Avant de jouer avec lui à San Antonio, comment le considérais-tu ?
I.M. : Pour moi, c’était le meilleur joueur de tous les temps au poste de power forward. Quand j’ai été drafté, je n’avais pas encore 19 ans. J’étais dans mon petit club du Havre… C’était extraordinaire de penser pouvoir jouer un jour aux côtés de Tim Duncan. J’avais un poster de lui dans ma chambre au Havre. Ce n’était pas une action de jeu. Il était en portrait avec la tenue des Spurs, un ballon dans les mains.
MB : Est-ce que vous vous voyiez en dehors du terrain ?
I.M. : Tim est quelqu’un de casanier. Il est très famille. Et puis il y avait aussi la différence d’âge. Nous ne sommes pas de la même génération (ndlr : il y a dix ans d’écart entre les deux joueurs), donc on ne fonctionne pas forcément de la même manière dans la vie au quotidien. Mais en décembre, lors d’un déplacement à Oakland pour jouer Golden State, il est venu dîner à San Francisco avec Tony (Parker), Ronny (Turiaf) et moi. Ce soir-là, il nous a dit : « Je suis avec la French Connection ». Je l’ai vu avec sa famille quand les Spurs organisaient une petite fête. Ça arrivait quatre ou cinq fois dans la saison.
« Tim est quelqu’un de très généreux »
MB : Quel est son trait de caractère dominant ?
I.M. : C’est quand même quelqu’un d’assez complexe… Je dirai d’abord qu’il est très patient, très calme. « Laidback », comme on dit aux Etats-Unis. Dans son regard, il y a beaucoup de messages mais comme il n’est pas expansif, c’est compliqué de le comprendre au premier abord.
MB : Comment est-il dans un mauvais jour ?
I.M. : Il ne parle plus du tout. Déjà qu’il ne parle pas beaucoup… Là, c’est le mur total. Il est dans son monde. On voit à son visage qu’il ne faut pas le déranger. A l’inverse, je l’ai vu exploser de manière incroyable sur un trois points contre Phoenix en playoffs. Il y a plusieurs façettes chez Tim, certaines sont totalement insoupçonnées.
MB : Est-ce quelqu’un de généreux ?
I.M. : Je pense qu’il donne beaucoup à la communauté à San Antonio et au-delà, à l’ensemble de la NBA. C’est une sorte d’ambassadeur partout où il passe. C’est un joueur avec un statut, qui a gagné beaucoup de titres et différents awards. Il sait donner en retour et il le fait naturellement. Avec l’équipe, il est tout aussi généreux. Un soir, on jouait à Memphis. On devait prendre l’avion pour New Orleans. Il a fait livrer les meilleurs sandwichs du monde, une trentaine, pour toute l’équipe et le staff technique afin que l’on puisse déguster ce qu’il considérait comme le top du sandwich américain. Quand on lui a demandé où se trouvait cette sandwicherie, il nous a dit qu’il fallait connaître… Elle était à plus d’une heure de route de Memphis mais toujours dans le Tennessee. Tim est prêt à tout pour faire plaisir.
« Parfois, il prend la parole devant Gregg Popovich »
MB : As-tu le sentiment que c’est un joueur privilégié à San Antonio ?
I.M. : Oui mais c’est normal. C’est la notoriété qui veut cela. Il a tout gagné dans cette franchise, c’est naturel qu’on tolère plus de choses de sa part que de la part d’un autre joueur. Cela dit, « T.P. » et Manu sont protégés, comme Tim. Je pense que c’est le business NBA qui veut cela. Dans les autres franchises, ce doit être la même chose quand le gars est franchise player et All-Star. Je vois surtout que Tim est toujours à l’heure au practice, qu’il travaille vraiment très dur, qu’il est toujours concentré sur ce qu’il doit faire. Il ne peut pas y avoir de jalousie de la part de ses coéquipiers car il est le premier à montrer le bon exemple.
MB : Est-il un leader dans le locker-room et si oui, comment ?
I.M. : Il est leader à sa façon. Il ne crie pas, jamais, mais il prend la parole. Contrairement à ce que l’on peut penser, il communique beaucoup sur le terrain. Moins au vestiaire, c’est vrai, où l’on entend plus Tony (Parker) et Manu après le coach. Lors des temps morts en revanche, Tim peut dire « Ecoutez-moi » quand il veut recadrer certaines choses. Il n’hésite pas dans ce cas à prendre la parole devant Gregg Popovich. C’est rare mais ça arrive.
MB : T’a-t-il donné des conseils ? Et si oui, de quel type ?
I.M. : Il me disait « Attention à tes fautes ». Ou alors c’était des indications plus précises sur la façon de jouer d’un adversaire. Par exemple lorsque nous avons joué contre Memphis. Il m’a dit que Zach Randolph était un gaucher et qu’il partait toujours de la même manière dans les drives pour attaquer le cercle. Il fallait que je défende de telle façon pour le repousser. C’était un vrai conseil technique qui m’a permis de mieux défendre face à Randolph ce soir-là. Au practice, il me donnait moins de conseils car ce sont d’abord les assistants coaches qui nous font travailler. En match, ses conseils étaient très utiles pour un basketteur jouant, comme lui, dans le frontcourt.
« Le dunk ? C’est pas son truc »
MB : T’a-t-il déjà bluffé ou dérouté sur une action de jeu ?
I.M. : Avec Tim, on est habitué à tout. Plus rien de ce qu’il réalise n’est incroyable. Le 3 points contre Phoenix en playoffs que j’évoquais plus haut sortait de l’ordinaire. C’est pour cette raison qu’il avait exceptionnellement explosé derrière l’action.
MB : Il ne dunke jamais véritablement. Vous ne le chahutiez pas à ce sujet de temps à autre ?
I.M. : Si, justement. On lui disait : « Un petit dunk next time, Timmy ? » Mais c’est vrai qu’il n’a jamais été un véritable athlète pour ce genre d’action. Ce n’est pas son truc.
MB : Est-ce que tu envies son quotidien ?
I.M. : Pas spécialement, non. J’aime bien ce qu’il fait pour les autres mais on n’a pas la même organisation de vie. Il est marié avec des enfants, moi je suis célibataire. J’aime ma vie aux Etats-Unis. J’aime retrouver mes deux frères, mes deux sœurs, mes amis qui viennent me voir quand ils veulent. J’allais au cinéma de temps à autre avec T.P. mais j’organise mon quotidien en fonction de mes envies. J’adorais ma vie à San Antonio et je faisais ce que je voulais, sans me préoccuper de ce que pouvait faire Tim ou un autre joueur.
« Question fringues, rien ne va ! »
MB : Quelle est sa relation avec l’ensemble de l’équipe ?
I.M. : On sent que c’est le joueur qui a fait toute sa carrière à San Antonio. On peut dire qu’il rayonnait au milieu de tous. Ce n’est pas le genre de joueur qui va créer un clan à part, même s’il est évident qu’il a une relation plus intime avec T.P., Manu et les coaches. Ils ont gagné ensemble. C’était la différence avec les autres joueurs comme moi, George Hill, DeJuan Blair, Roger Mason… On n’avait encore rien gagné et on n’avait pas le vécu du « Big Three ». Mais il n’y a pas de clans à San Antonio. C’est un esprit famille, avec une grande tradition, que l’on ressent très vite quand on arrive dans cette franchise. Tim parle, rit, s’amuse s’il le faut avec tout le monde.
MB : Si tu devais changer une chose chez Tim, ce serait quoi ?
I.M. : Sans hésiter sa manière de s’habiller. S’il est le meilleur au niveau du basket, ce n’est pas le cas au niveau des sapes… Les couleurs, les coupes, le style : rien ne va ! (Il rigole)
MB : Que dirais-tu à ceux qui prétendent ne pas aimer Tim Duncan ?
I.M. : Chacun ses goûts mais c’est quand même un joueur exceptionnel à son poste. Il a tout gagné. Même si un joueur seul ne fait pas une équipe, il y a de bonnes raisons de croire que c’est un basketteur extraordinaire. En plus, je trouve qu’il a quelque chose que n’ont pas les grandes stars de la Ligue, même si je ne connais pas toutes les autres : Timmy est resté humble. Vraiment humble pour un joueur avec un tel palmarès. Paul Pierce ne semble pas avoir la même humilité, par exemple. Après son titre en 2008 avec Boston, on l’a beaucoup entendu, non ?
MB : Si tu devais prendre une chose dans son jeu, ce serait quoi ?
I.M. : Ses fondamentaux. Je n’ai pas vu mieux chez un joueur intérieur. Si tu fais la moindre erreur en défense face à lui, tu es foutu. Quand on regarde les mouvements de ses pieds et le balancement de son corps, on a l’impression que tout ça est naturel. Il a toujours fait cela. C’est un style qui lui est propre, tu ne peux pas reproduire ce qu’il fait. C’est à la fois très compliqué et très personnel, ça n’appartient qu’à Tim.